Portraits officiels de présidents : à chacun son style !

Le 29 juin 2017, Emmanuel Macron publiait sur son compte Twitter son portrait officiel. Ce portrait, qui est une tradition pour tout nouveau chef d'Etat français depuis la IIIe République, est généralement révélateur du président de la République qu'il représente. Nous vous proposons de retracer l'histoire de cette tradition et de décrypter la symbolique des différents portraits officiels sous la Ve République.


Une tradition depuis 1871

En France, le portrait officiel du président de la République est une tradition à chaque début de mandat depuis 1871.
C'est Adolphe Thiers, le premier président de la IIIe République, qui a le premier fait appel à un photographe pour lui tirer le portrait.
Auparavant, les chefs d'Etat étaient généralement représentés en peinture. D'ailleurs, le président Jules Grévy (1879-1887) a lui aussi préféré se faire immortaliser en peinture... au Château de Versailles !
Sous la IIIe et la IVe République, les portraits officiels ne variaient guère : cette photographie servait à immortaliser un chef d'Etat figé, revêtu de l'habit officiel et bardé de décorations.
Le portrait était invariablement réalisé en plan américain, c'est-à-dire coupé à mi-cuisses, et en noir et blanc.

Un outil de communication

En plus d'être une tradition à laquelle aucun chef d'Etat ne déroge, le portrait officiel du président de la République est peu à peu devenu un outil de communication destiné à représenter le style du candidat.
A travers cette image, chaque chef de l'Etat délivre un message sur sa politique et sa volonté de rupture ou de continuité par rapport à ses prédécesseurs...
Il faut dire que ce portrait, réalisé par un photographe reconnu ou non, est ensuite affiché dans de nombreux lieux publics, à commencer par les mairies des 36.000 communes de France.
Cette tradition républicaine n'a rien d'obligatoire mais elle est respectée partout, d'où le soin que chaque président porte à la réalisation de cette image.

Les portraits sous la Ve République

Avec la Vème République et le président Charles de Gaulle (1959-1969), le portrait officiel du président de la République passe à la couleur mais il ne perd rien de son formalisme.
Sur cette image empreinte d'une certaine solennité, Charles de Gaulle pose dans la bibliothèque de l'Elysée, avec toute la panoplie officielle du chef de l'Etat (notamment l'écharpe de la Grand-Croix de la Légion d'honneur) ainsi que le collier de Grand Maître de l'Ordre de la Libération. Sa pose rappelle la peinture classique.
Son successeur Georges Pompidou (1969-1974) s'inscrit dans la continuité en se faisant photographier dans le même lieu, avec la même panoplie officielle et quasiment la même pose...
Une véritable rupture esthétique intervient au milieu des années 1970 avec le président Valéry Giscard d'Estaing (1974-1981).
Désireux d'incarner la modernité et de se montrer proche des Français, ce jeune président abandonne les poses classiques et le costume guindé orné de multiples médailles.
Il se fait photographier dans la cour de l'Elysée, devant le Drapeau français en mouvement, dans un simple costume de ville avec la Légion d'honneur à la boutonnière.
Le cadrage plus serré et l'orientation horizontale du portrait traduisent une volonté de rupture avec les portraits traditionnels. Pour réaliser cette image, Valéry Giscard d'Estaing a fait appel (et c'est une première) à un photographe mondialement reconnu : Jacques-Henri Lartigue !



En 1981, François Mitterrand (1981-1995) choisit de revenir dans la bibliothèque de l'Elysée. Mais, sur ce portrait, le président ne se tient pas debout en costume officiel.
Comme son prédécesseur, il porte un costume de ville et la Légion d'honneur à la boutonnière.
De plus, pour incarner un président cultivé à la "force tranquille", il est représenté assis, un livre dans les mains. Il s'agit plus précisément des Essais de Montaigne, ce qui donne de lui une image d'homme cultivé, féru de littérature française.
Il faut aussi souligner que ce portrait a été pris par la photographe Gisèle Freund connue pour avoir immortalisé de grands écrivains comme André Malraux, Jean-Paul Sartre, Marguerite Yourcenar ou encore Samuel Beckett...
En rupture avec ses prédécesseurs, Jacques Chirac (1995-2007) affiche sur son portrait officiel une plus grande décontraction. Pour la première fois, il choisit un cadre extérieur, celui des jardins de l'Elysée et il s'y tient debout dans une posture plutôt détendue, légèrement penché en avant, avec les mains dans le dos et le sourire aux lèvres.
Ce cadre est sans doute un clin d'oeil au côté rural de cet ancien député de Corrèze. En arrière-plan flou, le Palais de l'elysée se devine, surmonté du drapeau national.
Autre singularité de ce portrait décontracté et bucolique : il a été réalisé par la photographe Bettina rheims plutôt connue pour ses séries de nus ! Ce choix à contre-courant avait d'ailleurs paru osé.
En 2007, Nicolas Sarkozy (2007-2012) choisit à nouveau la bibliothèque de l'Elysée comme décor. Faisant le choix d'un style plus académique et d'un retour aux traditions, il pose debout devant une rangée de livres.
Il se tient aux côtés du Drapeau français et du Drapeau européen (ce qui est une première sur un portrait officiel).
Cette photo a été prise par Philippe Warrin connu pour avoir photographié les émissions de téléréalité comme le Loft ou la Star Academy. Mais Nicolas Sarkozy l'a surtout choisi car il avait déjà réalisé l'affiche de sa campagne. Ce photographe, proche et efficace, a ainsi pu réaliser ce cliché en moins de 20 minutes...
On notera le retour dans les jardins de l'Elysée pour François Hollande (2012-2017) qui, tout comme Jacques Chirac, avait administré la Corrèze avant d'accéder aux plus hautes fonctions.
Habillé d'un costume de ville et portant ses lunettes, le président affiche un sourire tout en regardant l'objectif. Il livre en somme une image de "président normal" se montrant au naturel dans un cadre simple et moins chargé de symboles (même si les drapeaux français et européens figurent à l'arrière-plan) ...

Le portrait du président Macron décrypté

A la différence de ses prédécesseurs, qui avaient révélé leur portrait officiel rapidement après leur investiture, Emmanuel Macron a mis près d'un mois et demi pour préparer et publier cette image très attendue.
Président de la synthèse, il semble vouloir par ce portrait traduire à la fois une rupture et une continuité vis-à-vis de ses prédécesseurs.
Lui qui ne se dit ni de gauche ni de droite a multiplié les références aux autres chefs d'Etat de la Ve République.



Pour concilier cadre extérieur et intérieur, il pose appuyé sur son bureau devant une fenêtre ouverte qui donne sur le jardin.
Le cadrage et la présence des deux drapeaux français et européen rappellent la photo de Nicolas Sarkozy en 2007. C'est aussi un moyen de rappeler l'importance de l'Union européenne dans la campagne et le programme du nouveau président.
Quant aux objets posés sur le bureau du président Macron, leur présence est loin d'être anodine ! Leur emplacement a même été soigneusement préparé comme le révèle la vidéo des coulisses postée sur Twitter par la conseillère en communication d'Emmanuel Macron, Sibeth Ndiaye :


On y trouve trois livres de la Pléiade (Le Rouge et le Noir de Stendhal, Les Nourritures terrestres d'André Gide et Les Mémoires de guerre du Général de Gaulle), deux smartphones (symboles de modernité), une horloge (en fait celle du salon où se déroule le Conseil des Ministres !) et un encrier décoré d'un coq (emblème patriotique).
C'est Soazig de la moissonnière qui a réalisé ce portrait. Après avoir suivi la campagne d'Emmanuel Macron, elle est devenue la photographe officielle du président et continue de le suivre dans tous ses déplacements.
Emmanuel Macron a donc fait appel à une photographe proche, dont il connaît le travail et qui est au fait de sa politique de communication, toujours très contrôlée.

Date de création : 2017-07-04
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