Science : a-t-on vraiment découvert des traces de vie sur Vénus ?

Et si la planète Vénus, généralement jugée inhospitalière, était un champ d’étude plein de promesses La détection de phosphine dans l’atmosphère de cette planète voisine de la nôtre a fait grand bruit dans les médias ces derniers jours. Mais a-t-on vraiment découvert des traces de vie sur Vénus Décryptage.


Une annonce fracassante

Si vous suivez l’actualité, cette annonce ne vous a sûrement pas échappé : dans une étude publiée lundi 14 septembre 2020 dans la revue Nature Astronomy, une équipe internationale de scientifiques britanniques et américains affirme avoir mesuré dans l’atmosphère de Vénus de la phosphine, un gaz rare qui ne devrait pas y être.
Or, sa présence pourrait s’expliquer par l’existence d’une forme de vie dans les nuages de Vénus. Cette découverte pourrait donc constituer une avancée majeure dans la quête de formes de vie extra-terrestres.
Cette découverte a été annoncée lors d’une conférence de presse organisée par la Royal Astronomical Society à Londres le 14 septembre dernier, mais la rumeur avait déjà agité les réseaux sociaux le week-end précédent.
Comme on pouvait s’y attendre, cette annonce a fait grand bruit dans les médias et dans la communauté scientifique, qui a cependant accueilli la nouvelle avec une grande prudence.
Avec une atmosphère composée à 96% de dioxyde de carbone, une pression à la surface 92 fois supérieure à celle de la Terre, des nuages d’acide sulfurique et des températures frôlant les 500°C, Vénus n’est pas à première vue la planète la plus propice à l’éclosion de la vie...

Un gaz inattendu

Les chercheurs à l’origine de cette découverte sont des scientifiques de l’université de Cardiff et du MIT (le fameux Institut technologique du Massachusetts).
L’astrophysicienne Jane S. Greaves et ses collègues disent avoir reconnu la signature spectrale de la phosphine ou PH3 en étudiant très précisément les caractéristiques lumineuses de l’atmosphère vénusienne.
Pour ce faire, ils ont utilisé deux radiotélescopes : l’ALMA (Atacama Large Millimeter Array) du Chili et le JCMT (James Clerk Maxwell Telescope) de Hawaï.
La phosphine ou PH3 est un gaz toxique incolore et extrêmement inflammable, dont la molécule est composée d'atomes de phosphore et d'hydrogène. Présent sur Terre, il ne se trouve que dans des zones particulièrement inhospitalières, où il est produit par des micro-organismes anaérobies, c’est-à-dire qui n'ont pas besoin d'oxygène.
Ce gaz a déjà été détecté sur des planètes gazeuses comme Saturne ou Jupiter, où sa présence n'a rien de mystérieuse, mais c'est la première fois qu'il est observé sur une planète tellurique comme Vénus. Sa présence dans l’atmosphère vénusienne est très inattendue et difficile à expliquer.
Les chercheurs ont d’abord émis différentes hypothèses (volcanisme, apport micrométéoritique, réaction en chaîne due à la foudre ...) sans parvenir à justifier la présence d’une telle quantité de phosphine (20 ppm) dans l’atmosphère de Vénus.
C’est pourquoi ils avancent finalement l’hypothèse que ce gaz pourrait être une biosignature, c’est-à-dire un signe de vie :
"Le PH3 pourrait provenir de processus photochimiques ou géochimiques inconnus ou, par analogie à sa production biologique sur Terre, d’une forme de vie", concluent-ils.

Une hypothèse à confirmer

La présence de phosphine dans l’atmosphère de Vénus, qui reste à confirmer par d’autres observations indépendantes, n'est pas en soi une preuve de vie.
L'étude insiste d’ailleurs sur le fait que "la détection de phosphine n'est pas une preuve robuste de vie, seulement d'une chimie anormale et inexpliquée".
Dans une vidéo publiée sur le site du Massachusetts Institute of Technology (MIT), les cosignataires de l'étude nous livrent des explications plus précises :

Janusz Petkowski, chercheur au MIT déclare : "Nous avons conclu qu'il n'y a aucun processus chimique ou physique connu susceptible de produire de la phosphine [sur Vénus]".
Mais il avance comme autre explication possible que "notre compréhension de la chimie et la physique des planètes rocheuses soit sévèrement incomplète".

Une forme de vie... unicellulaire

Enfin, n’allez pas croire que nous avons enfin détecté la présence de petits hommes verts sur une autre planète de notre système solaire !
Si l’hypothèse d’une origine biologique de la phosphine se confirmait, il faudrait imaginer une forme de vie capable de se développer dans des conditions extrêmes. Ce seraient probablement des organismes unicellulaires bien différents de ce qu’on peut voir sur Terre.
La planète qu'on appelle aussi l'étoile du Berger est en effet très inhospitalière avec des températures de plus de 450°C à sa surface, une absence d’eau et une atmosphère très dense et corrosive.
L'atmosphère de Vénus "extrêmement déshydratante et hyper acide" n'est pas propice à la vie, mais sa couche nuageuse pourrait l'être. La NASA a d'ailleurs découvert il y a une dizaine d’années de la vie microbienne dans les couches supérieures de l'atmosphère terrestre.
L’équipe de recherche de Jane Greaves, qui a promis de nouvelles publications dans les semaines à venir, plaide pour une observation plus poussée du phénomène grâce à un télescope spatial ou une sonde.

Un coup de projecteur sur une planète délaissée

Quoi qu’il en soit, la découverte de Jane Greaves et ses collègues a au moins le mérite de faire parler de la planète Vénus, qui est souvent confondue avec une étoile sous le nom d’étoile du Berger.
Le programme Venera, développé par l’URSS dans les années 1960 et 1970, avait permis l’atterrissage d’une sonde en 1975 et les premières photographies de la surface de cette planète.
Depuis, Mars lui a volé la vedette et a concentré une bonne partie du budget des missions d'exploration du système solaire.
Cette découverte particulièrement intéressante pourrait changer la donne et réorienter l'intérêt de la NASA et de l’ESA vers Vénus, géographiquement plus proche de la Terre.

Date de création : 2020-09-18
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